« ECHEC TOTAL DE L’INSTALLATION EN CAS DE SÉISME » – L’HISTOIRE DE FUKUSHIMA QU’ON NE VOUS A PAS RACONTÉE À LA TÉLÉPosted by libertesinternets under Greg Palast, Libertés publiques, Manipulation de l'opinion, Nouvelle Barbarie, Observatoire de l'empire
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« Echec total de l’installation en cas de séisme » L’histoire de Fukushima dont CNN ne vous a pas parlé[Greg Palast - FreePress.org - 11 novembre, 2011 - Traduction: Gregor Seither]
Dans ma carrière d’enquêteur, j’ai vu un paquet de saloperies… mais là on est à un niveau inédit de saloperie.
Voici un extrait d’un carnet de notes, de la main d’un cadre senior dans une centrale nucléaire:
« Wiesel était complètement bouleversé. Il semblait très
nerveux. Très agité. . . . De fait, la construction de l’usine avait été
une succession de problèmes, à un tel point que, en aucun cas, les
installations seraient en mesure de résister à un tremblement de terre.
L’équipe d’ingénieurs envoyés pour inspecter les installations avait
établi que la plupart des composants de l’installation « ne
résisteraient en aucun cas et échoueraient totalement » lors d’un
séisme.
« Echec total de l’installation lors d’un séisme. » Et voilà que le
séisme en question était survenu au Japon et que – en effet – l’échec
avait été total.
Cette
alerte était consignée dans un petit carnet que mon équipe d’enquêteurs
appelait simplement « Le Carnet », un document qui n’était pas censé
être en ma possession.
Un carnet que j’avais heureusement gardé par devers moi, étant donné
que les armoires contenant mes autres dossiers avaient été réduites en
miettes quelques années plus tard, en même temps que le reste de mon
immeuble de bureaux. (
NdL&I: Greg Palast avait son bureau dans la Tour 1 du World Trade Center à New-York)WORLD TRADE CENTER TOUR 1, CINQUANTE-DEUXIÈME ÉTAGENEW YORK, 1986Deux ingénieurs, cadres senior de l’industrie nucléaire étaient
entrain de cracher le morceau et déballer leurs fichiers sur notre
immense table de conférence, et toute mon équipe d’investigation
écoutait bouche bée leurs révélations sur les coulisses de la
construction de la centrale nucléaire de
Shoreham à New York.
La réunion était secrète. Très secrete. Le courage dont faisaient
montre ces deux hommes pouvait leur coûter leur carrière: Aucune
entreprise d’ingénierie ne voudra jamais embaucher un mouchard, même si
ce mouchard a sauvé des milliers de vies. Ils risquaient de perdre leur
emploi, ils risquaient de tout perdre. C’est d’ailleurs ce qui leur est
arrivé. Ce sont des choses qui arrivent. Et bonjour chez vous.
Plus de 20 ans après, le 12 mars de cette année, alors que je
regardais, à la télé, la centrale nucléaire de Fukushima entrer en
fusion, je savais une chose: le document «SQ» avait été falsifié.
Pourtant Anderson Cooper, présentateur vedette sur CNN nous avait dit
que tout était OK. Il s’était envolé au Japon pour se bouffer une bonne
dose de radiations et une plus grande dose encore de conneries
racontées par l’entreprise exploitante. Mais selon Cooper, l’horreur qui
était entrain de se produire à Fukushima n’était pas de la faute de
Tokyo Electric, étant donné que l’usine avait été construite pour
résister à un tremblement de terre de Force 8.0 sur l’échelle de Richter
et que l’actuel tremblement de terre avait été de Force 9.0. Je ne sais
pas où se trouvait Anderson quand on a distribué les faits sur la
catastrophe, peut-être qu’il était à la salle de muscu de l’hôtel. Mais
en tout cas, le séisme de Force 9.0 ne s’était pas produit à la centrale
nucléaire. Il s’était produit au beau milieu de l’Océan Pacifique, à
environ 150 Km (90 miles) de là. Quand l’onde de choc avait atteint
Fukushima, sa force n’était même plus un dixième de cela.
J’avais envie de vomir. Parce que je savais qui avait conçu l’usine,
qui l’avait construite et à qui Tokyo Electric Power allait demander de
la reconstruire:la société
Shaw Construction.
Shaw Construction n’est qu’un des nombreux alias de la société
Stone & Webster,
l’entreprise de construction choisie par l’administration Obama pour la
réalisation des quatre nouvelles centrales nucléaires, avec des
milliards de dollars d’argent public à la clé, notamment pour les études
de conformité.
Mais moi, j’avais « Le Carnet », le journal de bord d’un inspecteur
en sécurité sismique qui travaillait pour cette même société. J’avais
emporté ce carnet chez moi, quelque temps avant que les tours du World
Trade Center ne s’effondrent. Je n’étais pas censé faire cela. Un coup
de chance.
Tous les ingénieurs enquêtant sur un site tiennent un carnet de bord
dans lequel ils notent leurs remarques et constatations. Gordon Dick,
qui travaillait comme superviseur, n’était pas censé nous montrer son
carnet. Je le lui ai demandé et il a accepté à contrecœur, attirant
notre attention sur ce qu’il avait constaté relatif aux tests « SQ ».
SQ c’est du jargon nucléaire pour désigner la « Seismic
Qualification », autrement dit la certification de sécurité
parasismique. Une centrale nucléaire qui a reçu la certification de
sécurité parasismique n’est pas censée entrer en fusion si vous la
secouez. Et un «événement sismique» peut tout autant désigner un
tremblement de terre ou alors un pétard envoyé en cadeau de Noël par
Al-Qaïda. Aux Etats-Unis, en Europe ou au Japon il est impossible de
mettre en service une centrale nucléaire ou de la faire fonctionner si
vous n’avez pas obtenu la certification SQ.
Pourtant, une chose ressort très clairement du carnet de Gordon: la
centrale nucléaire en question ne résisterait pas à un tremblement de
terre. La centrale avait lamentablement échoué aux tests de sécurité
parasismique dès le Niveau 1 (secousses) et n’était pas conforme aux
normes obligatoire édictées par les règles américaines et
internationales.
Voici ce que nous avions appris: le subordonné de Dick à la centrale
nucléaire, Robert « Bob » Wiesel, avait dirigé les tests standard de
sécurité parasismique. Les tests de Wiesel avaient attribué une mauvaise
note à la centrale. C’est embêtant ça !
Dick avait alors ordonné à Wiesel de modifier son rapport qu’il
devait remettre à la Commission de réglementation nucléaire, il lui
avait ordonné de changer la note pour que la centrale soit certifiée
conforme. Dick ne voulait pas forcer Wiesel à faire cela, mais Dick
était lui-même sous pression, il avait reçu un ordre clair et net dans
ce sens de la part de ses chefs, les dirigeants de l’entreprise. Je cite
ce qui est écrit dans « Le Carnet » :
« Wiesel était complètement bouleversé. Il semblait très
nerveux. Très agité. [Il a dit,] «Je crois que ces résultats sont
mauvais et je crois que nous sommes obligés de les déclarer comme tels»,
puis il a pris le volume avec les Réglementations fédérales sur
l’étagère et l’a ouvert à la section 50.55 (e), qui décrit les
manquements à déclarer obligatoirement lors d’une inspection de sureté
dans une centrale nucléaire et [nous] avons lu la section ensemble,
Wiesel pointant les paragraphes correspondants qui montraient bien que
la loi fédérale exigeait clairement [de leur part et de la part de la
société] qu’ils fassent obligatoirement mention dans leur rapport de
tout manquement à la sureté de Catégorie II, Sismique 1.
Wiesel avait ensuite exprimé sa crainte du fait que, s’il [Wiesel]
mentionnait ces manquement à la sureté dans son rapport, il perdrait son
travail, mais que s’il ne mentionnait pas les manquements, il violerait
une loi fédérale. . . .
La loi est claire. C’est un crime de ne pas signaler un manquement à
la sureté d’une installation. J’arrive assez bien à imaginer Wiesel,
debout dans ce bureau, tenant à la main ce gros livre de
Réglementations, La Loi avec un grand L.
Il devait peser lourd, ce bouquin. Mais sa paye à la fin du mois,
elle pesait lourd aussi. Il a soupesé les choix qui s’offraient à lui:
violer la loi, éventuellement aller en prison, ou bien ne pas perdre son
emploi.
Qu’est ce qu’a fait Wiesel ? Qu’est ce que vous feriez ? Et pourquoi
une entreprise place-t-elle des hommes comme lui face à une pareille
décision ? Pourquoi lui ont ils mis le couteau sous la gorge pour qu’il
dissimule un danger mortel ?
A cause de l’argent. C’est toujours à cause de l’argent. Remédier aux
manquements à la sureté sismique de l’installation aurait couté au
minimum un demi-milliards de dollars à l’entreprise Donc un type de la
direction est venu voir Dick et lui a dit de ne pas s’en faire: « Bob
[Wiesel] est un mec bien. Il sait ce qu’il a à faire et il va faire ce
qu’il faut. Ne t’inquiète pas pour Bob. »
Autrement dit, ils étaient certains que Bob ferait ce qu’il faut pour
sauver son emploi et sa carrière plutôt que d’aller cafter chez les
Fédéraux sur ce qui se passait dans son entreprise.
En ce qui me concerne, je pense que nous devrions nous inquiéter pour
Bob. Parce que l’entreprise pour laquelle travaille Bob, la société
Stone & Webster Engineering, a construit ou conçu environ un tiers des centrales nucléaires en service aux Etats-Unis [
Ndl&I:
et selon le FI, l'entreprise a participé à un degré variable à la
construction et la maintenance de pratiquement toutes les centrales
nucléaires aux Etats-Unis].
Depuis nos bureaux au 52e étage de la tour, nous pouvions voir la Statue de la Liberté. Elle, par contre, évitait notre regard.
[Ce texte - publié par FreePress.org - est un extrait du dernier
ouvrage de Greg Palast "Vultures' Picnic: In Pursuit of Petroleum Pigs,
Power Pirates and High-Finance Fraudster" qui sera publié ce lundi.]http://libertesinternets.wordpress.com/2011/11/11/echec-total-de-linstallation-en-cas-de-seisme-lhistoire-de-fukushima-quon-ne-vous-a-pas-raconte-a-la-tele/