Poêles Teflon au PFOA : la fin. Enfin !
Cuisiniers et cuisinières, vous allez devoir réapprendre à frotter vos fonds de casserole.
DuPont de Nemours, détenteur de la marque Teflon créée en 1954, vient d'annoncer, ou plutôt de confirmer, qu'il n'utilisera plus d'acide perfluorooctanoïque ( PFOA) constitutif de ses célébrissimes revêtements anti-adhésifs pour ustensiles de cuisine et autres poêles et marmites.
DuPont de Nemours confirme la suppression du Teflon en... 2015
Un engagement sous forme de lettre ( 6 octobre) adressée au Réseau Environnement Santé (RES) qui s'était étonné publiquement que l'AFSSA ( Agence française de sécurité sanitaire des aliments) n'ait pas pris en compte dans son avis du 27 Juillet 2009 sur le Teflon une étude americano-danoise faisant état d'une baisse très inquiétante des spermatozoïdes chez les hommes imprégnés par le PFOA et le PFOS ( Acide perfluoroclorane sulfonique).
Etude menée au Danemark qui avait été diffusée sur internet dés le 2 mars 2009 ( voir les conclusions dans la note de RES). On y apprend notamment que des " niveaux considérables de PFOS et de PFOA ont été observés chez tous les hommes jeunes". Avec des conséquences alarmantes : "Le nombre de spermatozoïdes ( en une seule éjaculation) est de 6,2 millions de spermatozoïdes en moyenne contre 15, 5 Millions pour des hommes du même âge peu imprégnés par les mêmes substances". 6,2 millions, c'est le seuil de la stérilité....
En déclarant aujourd'hui "cesser l'achat, la fabrication ou l'utilisation du PFOA d'ici à 2015, ou plus tôt, dans la mesure du possible", DuPont de Nemours ne fait, à bien y regarder, que confirmer les termes d' un accord passé, contraint et forcé, en 2006 avec l' Agence de Protection environnementale américaine . La firme s'engageait alors à réduire de 95% en 2010 l'utilisation du PFOA et de le faire disparaître de ses produits en 2015. Sept autres Majors industriels utilisant le PFOA sont d'ailleurs concernés par ces engagements.
Quarante ans de batailles juridiques et sanitaires aux Etats-Unis autour des centres industriels DuPont :Un compromis qui suit un interminable bras de fer commencé officiellement à la fin des années soixante-dix et émaillé de nombreux conflits tant avec des salariés de DuPont qu'avec des dizaines de milliers de résidents vivant à proximité des usines et l'agence environnementale américaine (EPA) qui n'a jamais lâché l'affaire.
C'est en 1978 que les employés d'une unité industrielle DuPont constatent, suite à des prélévements diligentés par la firme, des taux de PFOA particulièrement élevés dans leurs prélèvements sanguins.
En août 2001, des résidents habitant à côté de l'usine Wahington Works ( West Virginia) accusent DuPont d'avoir contaminé l'eau rejetée et entreprennent une "Class Action" ( une action collective de citoyens). Le juge ordonne à la société de faire procéder à des tests sanguins auprés des plaignants. DuPont fait appel de la déçision et va jusqu'à saisir la Cour suprême.
Au final, DuPont a accepté un compromis avec les milliers de plaignants qui avaient intenté la Class Action. Un accord qui obligeait DuPont à dépolluer l'eau contaminée et à mener des études épidémiologiques sur l'exposition au PFOA parmi les résidents. Et à les dédommager si nécessaire. D'autres Class Action sont menées sur un site industriel DuPont dans l'Ohio.
En 2004, une procédure judiciaire est intentée par l'Agence de Protection Environnementale américaineimages EPA.jpg et il apparaît alors que DuPont aurait dissimulé pendant vingt ans des études menées en interne sur les effets potentiels nocifs du PFOA sur ses salariés. DuPont est condamné à une amende de 16 Millions de dollars.
La déclaration de ce jour ne constitue donc nullement un brusque revirement de la firme qui a du admettre, il y a maintenant trois ans, un risque bien réel sanitaire, impliqué par le PFOA, sur et autour de ses sites industriels. Avec des conséquences sur l'eau bien plus larges.
L'exposition des consommateurs : les risques sont-ils encore "négligeables" ?
S'agissant des consommateurs, c'est à dire des utilisateurs de son matériel de cuisine DuPont restait jusque là catégorique sur l'inocuité du Téfal. La firme ne reconnaîssait d'ailleurs nullement le 6 octobre dernier que le revêtement anti-adhésif puisse entraîner un risque pour les usagers puisque "les quantités de PFOA sont si faibles et les risques négligeables" . Et qu' " il n'y a pas d'effet connu sur la santé humaine causé par le PFOA"
Tous les mots sont pesés au milligramme près et, stricto sensu, ce n'est pas inexact.
Encore que soumises à un chauffage à blanc, notamment sur les plaques à induction dont la montée en puisance des températures est particulièrement rapide, les casseroles ou poêles au Teflon sont susceptibles de dégager d'autres ... émanations toxiques. En quelques minutes. Passons...
Ou si vous êtes intéressé, reportez vous à l'expérimentation diteCanari_cintre.jpg des canaris à l'Université du Missouri . Un résumé sur le site canadien "Action Fluor Québec". Ou encore l'étude complète en anglais ( 2003) en PDF de l'excellent EWG ( Environmental Working Groups )
PFOA : DuPont reconnait que les denrières études "soulèvent des questions" ...
DuPont de Nemours convient cependant, et c'est toute la nouveauté, que la présence de PFOA « en très faibles quantités » dans le sang « soulève des questions » suite à l'étude américano-danoise sur l''infertilité.
Car ce n'est pas le PFOA, perturbateur endocrinien reconnu et dont le rôle dans la survenue de cancers du foie chez les rongeurs est avéré, qui est seul en cause dans cette étude, mais bien la combinaison des substances : l'interaction entre PFOA, dont l'étude americano danoise confirme l'omni présence dans les corps humains, et les autres produits perfluorés. Le PFOS notamment, un produit interdit depuis 2008 en Europe mais qui reste également trés prégnant dans l'environnement et dans nos organismes.
DuPont de Nemours reconnait donc du bout des lèvres cette dangerosité potentielle des cocktails moléculaires. Une approche que les environnementalistes ont généralement bien du mal à faire passer dans le débat sur la santé publique. Dans la recherche. Dans les critères d'habilitation.
Prenons une comparaison grossière : ni la glycérine, ni l'acide nitrique ne sont séparément dangereux à manier. Combinés, ça fait en revanche de la nitroglycérine et ... c'est de la bombe.
La coexposition aux cocktails chimiques : le risque en chaîne
Pour les molécules chimiques, c'est nous la bombe. Et le gros souci, c'est bien cette coexposition aux composants chimiques différents et innombrables que nous ingérons, que nous respirons , que nous touchons ou que les mamans transmettent par le plasma. Or les industriels et de nombreux experts ont l'habitude ( et la mission ) de ne rendre des comptes et des avis que sur la seule la toxicité des molécules présentes dans les produits qu'ils fabriquent. Et non sur les risques induits d'interactions inévitables avec d'autres substances auxquelles sont constamment exposées les consommateurs.
Il est piquant de remarquer que pour une fois c'est l'Industriel qui procède à une ouverture méthodologique alors que l' Agence française de sécurité sanitaire des aliments ( Afssa) se referme -s'agissant du PFOA- dans une totale orthodoxie. Et en reste au diagnostic sec du "risque négligeable" de la molécule unique. Une molécule toujours regardée comme célibataire qui ne flirte ni ne ne cohabite jamais avec aucune autre substance. Une molécule en ...éprouvette. ( Voir la synthése téléchargeable en début du Post)
Industriels et nombre d'experts ne s'appesantissent pas non plus sur le niveau d'exposition et d'imprégnation. Or une casserole, on ne l'utilise pas une fois tous les six mois, mais tous les jours et parfois plusieurs fois par jour.
Du PFOA et des produis perfluorés partout autour de nous et ... dans nous :Il faut d'ailleurs savoir que le PFOA, présent également dans le traitement anti-tâche des tissus, dans les emballages de pizza et de pop-corn, dans les chaussures, les meubles, les moquettes, pour son pouvoir imperméable, mais aussi dans les mousses anti-incendie, les peintures ou les lubrifiants, est particulièrement long à éliminer et se fixe sur les organes digestifs.
La preuve ? Le PFOA a été détecté dans 97% des échantillons prélevés dans plus de de 100 rivières des 27 pays européens et les PFOS dans 94% des prélèvements. Des molécules qui sont également présentes aussi dans l'air intérieur des maisons et des appartements.
De ce fait, souligne RES sur la foi d'une autre étude, les enfants subiraient "une exposition cinq à dix fois plus élevée que celle des adultes"
L'affaire « Teflon » teflonimg24.jpg ouvre donc la voie à une réflexion plus large sur les rapports entre pollutions au pluriel et santé publique.
La précaution : le choix pour les poëles écolosEn attendant les nouveaux anti-adhésifs que DuPont de Nemours commence à mettre sur le marché dés cette année 2009, vous pouvez essayer les poêles écolos .
Plus chères, c'est sûr.
Il y a la ligne "Evergreen steel " de la marque Aubecq à base de céramique mise à disposition par les fabricants Weilburge ou Thermolon. Sinon , il y a l'inox ou encore la bonne vieille fonte, mais il n'est pas aisé de se faire une idée bien préçise des conditions de production de tous les composants utlisés dans les usines qui sont généralement chinoises.
Et puis bonjour les séances de grattage.
Le vrai progrés, c'est peut-être aussi de régresser un peu.
Si vous voulez savoir comment, téléchargez cette excellente synthése du Minsitère de la Santé canadien sur le choix des poêles, casseroles et autres faitouts. Preuve, s'il en est , que l'affaire est sérieuse. Et que les alternatives existent bel et bien.
Bon courage.
Guillaume Malaurie