Amiante : le plus grand scandale sanitaire
Très bon isolant et résistant au feu, l'amiante a été massivement utilisé en France. Alors que sa nocivité était connue depuis plusieurs décennies, ce minéral n'est finalement interdit qu'en 1997. Ce retard criminel des industriels et de l'Etat est aujourd'hui à l'origine d'une hécatombe estimée à 100 000 morts d'ici 2025.
L'histoire de l'amiante
Jusqu'en 1975, l'exploitation de l'amiante n'a cessé d'augmenter dans le monde, malgré l'accumulation de preuve de son caractère nocif depuis le début du XXe siècle. Après des décennies de tergiversations, la France ne l'interdit qu'en 1997. Retour sur les grandes dates de ce dossier.
Les maladies de l'amiante
Lorsque ses fibres en suspension dans l'air sont inhalées, l'amiante peut se déposer dans le tissu pulmonaire et l'enveloppe du poumon. Après un délai plus ou moins long, il peut provoquer des inflammations ou de terribles cancers comme le cancer du poumon ou le mésothéliome.
Les maladies de l'amiante
L'amiante est un matériau hautement toxique. Aussi, lorsque ses fibres en suspension dans l'air sont inhalées, elles peuvent provoquer des pathologies respiratoires. Ses effets délétères sont liés à leur caractère indestructible et à leur dépôt dans le tissu pulmonaire qui précède leur migration vers l'enveloppe du poumon (la plèvre et le péritoine).
Une fibre d'amiante est 400 à 2 000 fois plus petite qu'un cheveu, ce qui lui permet de pénétrer jusqu'aux alvéoles pulmonaires : lieu d'échange gazeux entre l'air et la circulation sanguine.
Piégées, ces fibres peuvent provoquer des inflammations non cancéreuses ou des anomalies chromosomiques, point de départ de maladies bénignes ou de cancers :
Asbestoses
Les fibres d'amiante pénètrent dans le poumon et provoquent une inflammation, qui se transforme en fibrose (épaississement du tissu pulmonaire). Il se passe généralement une dizaine d'années entre l'inhalation et la survenue de la maladie. Essoufflement, toux sèche, sensation d'oppression sont les premiers symptômes qui peuvent évoluer vers une insuffisance respiratoire, qui peut être mortelle.
Le diagnostic repose sur la radiographie, le scanner et les explorations fonctionnelles et la détection de corps asbestosiques dans les sécrétions bronchiques.
Il n'y a pas de traitement efficace de cette maladie en recul depuis la diminution des taux d'exposition à l'amiante.
Atteintes pleurales bénignes
Ces lésions de la plèvre ne constituent pas les prémices d'un cancer du poumon ou de la plèvre (mésothéliome). On distingue différents types d'atteintes pleurales bénignes : pleurésie bénigne (épanchement de liquide), fibrose pleurale (sclérose consécutive à une pleurésie pouvant parfois entraîner des calcifications), atélectasie par enroulement (masse bénigne se développant au contact de la plèvre).
Ces atteintes peuvent parfois entraîner une diminution de la capacité respiratoire ou des douleurs.
Mésothéliomes
Le mésothéliome atteint la membrane de la plèvre ou plus rarement le péritoine (membrane protectrice des intestins dans la cavité abdominale) ou le péricarde (membrane qui entoure le coeur). Ce cancer de la plèvre est quasi-exclusivement lié à une exposition à l'amiante. Le tabac n'est aucunement impliqué dans le mésothéliome. Cette maladie peut se développer trente à quarante ans après l'exposition à l'amiante.
Le mésothéliome se manifeste par des douleurs thoraciques, un essoufflement du à la présence de liquide dans la plèvre (pleurésie), plus rarement par un amaigrissement et un état de fatigue général.
Le diagnostic repose sur une thorascopie (examen qui consiste à visualiser la plèvre) et un prélèvement des cellules tumorales (biopsies).
Aucun traitement n'ayant fait la preuve de son efficacité, ce cancer est de très mauvais pronostic. Dans une majorité de cas, le patient meurt dans l'année qui suit le diagnostic. Le traitement se limite à diminuer la douleur et à traiter l'épanchement pleural par ponction ou méthode chirurgicale.
Cancers du poumon
Chaque année, plus de 25 000 cancers du poumon sont diagnostiqués en France. Parmi eux, 5 à 10 % seraient liés à l'inhalation d'amiante, mais il est très difficile de distinguer son influence de celle du tabac chez le fumeur notamment. Il apparaîtrait en moyenne 15 à 20 ans après l'exposition à l'amiante. L'amiante multiplie par 5 le risque de développer ce cancer.
Trop souvent tardif, le diagnostic du cancer du poumon est réalisé par radiographie ou scanner avant d'être confirmé par fibroscopie.
Le pronostic de la maladie dépend fortement de la précocité de son diagnostic, de la localisation des tumeurs et de l'état général de santé du patient. Le traitement repose principalement sur la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie. Les protocoles de traitements dépendent entre autres choses du type de tumeur et de son étendue. Pour en savoir plus, rendez-vous sur notre dossier consacré à cette maladie.
Compte-tenu de la lente évolution de ces maladies, l'amiante fera encore de nombreux dégâts parmi les professions les plus exposées et le public ayant longuement séjourné dans des lieux dangereux. Aujourd'hui, l'Institut national de recherche et de sécurité (Inrs) reconnaît que 76 % des chantiers de désamiantage ne respecteraient pas les règles de sécurité et exposeraient la santé des ouvriers et des personnes habitant à proximité. Les prévisions les plus pessimistes en matière de santé publique tablent sur 100 000 morts d'ici 2025. En plus de ces chiffres, certaines études relient l'amiante à d'autres localisations de cancers : larynx, côlon, appareil digestif, colon, rectum et appareil urogénital… mais ces liens restent l'objet d'une controverse scientifique.
Amiante : 100 000 morts à venir
Grille-pain, plaques de fibrociment, garnitures de frein, réfrigérateurs, peintures… En France plus qu'ailleurs, l'amiante a longtemps eu la cote, même après que sa nocivité ait été prouvée. Finalement interdite en 1997, l'amiante sera responsable de 100 000 décès d'ici à 2025.
Avec 100 000 morts à venir d'ici 2025, l'amiante est une véritable bombe à retardement. Interdiction tardive, inaction des politiques, instructions gelées… La gestion du dossier de l'amiante reste à plus d'un titre une exception française.
Hécatombe annoncée
Dix ans après qu'éclate le scandale de l'amiante et sept ans après son interdiction, cette fibre continue à faire des ravages. Le bilan se chiffre aujourd'hui à 3 000 décès par an. Parmi les conséquences de l'inhalation de ce minéral, le cancer du poumon et le mésothéliome (ou cancer de la plèvre) sont parmi les pathologies les plus fatales. Pire encore, si l'on tient compte du délai moyen entre l'exposition et l'apparition des premiers symptômes ainsi que de la quantité d'amiante utilisée ces dernières années, ce bilan devrait encore augmenter. Les estimations retenues aujourd'hui font état de 100 000 morts d'ici 2025.
Et ce n'est pas une secte apocalyptique qui le dit mais le Pr. Marcel Goldberg, spécialiste des conséquences sanitaires de ces fibres auprès de l'institut de veille sanitaire et coordinateur de l'étude sur "les effets sur la santé des fibres de substitution à l'amiante" demandée par le gouvernement et rendue publique en 1996.
Une telle hécatombe fait de l'amiante la plus grande catastrophe de santé publique jamais connue en France. Comment en est-on arrivé là ?
Dix à vingt ans d'inaction
Un bref coup d'oeil aux grandes dates de cette affaire permet de comprendre que la France a eu vis-à-vis de ce produit une politique assez singulière. Alors que les risques cancérigènes de ce minéral étaient connus depuis les années 1950-1960, il faudra attendre 1997 pour voir la France définitivement l'interdire. Entre le début des années 1980 et 1997, aucune mesure décisive n'a été prise. Auteur du livre "Amiante : 100 000 morts à venir", François Malye dénonce l'immobilisme des industriels et la complicité des politiques. Selon lui, "grâce à une minimisation mensongère des dangers de l'amiante, à la menace de fermeture d'usine, à des lobbying auprès de la communauté scientifique mais aussi politique, la France a eu vis-à-vis de l'amiante une conduite unique qui a abouti à dix ou quinze ans durant lesquels la France va renâcler à abaisser ces limites, interdire telle variété d'amiante et pas telle autre ou retarder la transposition de directive européenne dans le droit national". Finalement, la santé de milliers de Français a été sacrifiée au nom des intérêts de quelques multinationales françaises et de la préservation de l'emploi.
La troisième vague de victimes
Les premières victimes de l'amiante sont les ouvriers des usines qui transformaient l'amiante : textile, bâtiment, électroménager, chantiers navals, automobile… Rappelons que l'amiante rentrait dans la composition de plus de trois mille produits courants. Essoufflement, insuffisance respiratoire… L'évolution de la maladie entre chimiothérapie et séjours à l'hôpital laisse malheureusement peu de doutes. Le mésothéliome est parmi les cancers les plus dévastateurs.
Aujourd'hui, de nouvelles victimes apparaissent, des personnes qui n'ont pas directement été exposées au fameux minéral dans le cadre de leur profession : des peintres, des enseignants, des chercheurs… Chez eux, l'exposition à l'amiante a été épisodique mais fatale.
"Entre 15 et 25 % des mésothéliomes seraient ainsi dus à ces expositions environnementales, une réalité qui va de l'inhalation des fibres dans des locaux isolés à l'amiante aux riverains des usines … Contrairement à ce que la politique de l'amiante a longtemps essayé de faire croire, le danger n'est pas limité aux seules entreprises de transformation de l'amiante. Les produits qui sortaient de ces usines se retrouvent dans l'environnement et exposent à un risque d'inhalation de ces fibres" précise François Malye. Ces nouvelles victimes, les Américains lui ont donné un nom : la troisième vague après les ouvriers et les professions du bâtiment.
A quand un procès pénal ?
Depuis l'interdiction de l'amiante, les victimes ont obtenu beaucoup et bien peu à la fois. En 1997, la reconnaissance de "la faute inexcusable" de l'employeur pour les cas de maladie professionnelle aboutit à des centaines de condamnations. En 2000, le tribunal administratif de Marseille reconnaît la faute de l'Etat. En 2001, le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) est créé pour faciliter la réparation financière.
Mais sur le plan pénal, aucune avancée réelle et c'est là que le bas blesse. Fin novembre 2004, 140 veuves de la région de Dunkerque qui ont toutes perdu leur mari en raison d'un cancer provoqué par l'amiante, affirment leur colère pour protester contre "l'enterrement des procédures pénales". Au-delà de l'indemnisation financière, ces femmes réclament justice. Tout comme l'Association nationale des victimes de l'amiante (Andeva), elles veulent que des responsabilités soient mises à jour. Des responsabilités industrielles et politiques.
"Aucun procureur n'a daigné ouvrir une information judiciaire et chercher les responsabilités. A part un non-lieu récent à Dunkerque, les plaintes engagées sur le plan Pénal sont enlisées depuis 8 ans auprès de différents Parquets" regrette François Malye. Pour quelles raisons ? On peut imaginer les conséquences d'un procès pénal contre les industriels, qui ne manqueraient pas de se réfugier derrière une législation insuffisante, appelant ainsi à la barre les représentants politiques de l'époque. Résultat de ce jeu d'intimidation, un statu quo. "Mais devant la volonté des victimes et de leurs familles, je ne vois pas comment la France pourrait faire l'économie d'un procès historique" conclut François Malye. Souhaitons qu'il dise vrai, pour le respect des victimes.
Source : http://www.doctissimo.fr/html/dossiers/amiante/amiante.htm