Le canard et la basse-cour
Voici un conte trouvé dans le blog déjà plusieurs fois cité (mais si riche) du Père Bruno l’hirondel (http://blogperelhirondel.pelerin.info/2008/02/17/lappel-de-la-basse-cour/) :
Une volée de canards sauvages se déplaçait en formation, gagnant le sud à l’occasion de l’hiver. Les canards sauvages formaient un superbe V dans le ciel. Ils étaient admirés par tous ceux qui les voyaient en levant le regard.
Un jour, Daffy, l’un des canards sauvages en formation, aperçut quelque chose au sol, qui l’intrigua. C’était une basse-faune_canard_col_vert_portrait2cour avec toute une quantité de canards apprivoisés qui vivaient dans une ferme. Ils marchaient en se dandinant, émettaient leur coin-coin joyeusement et se nourrissaient du grain qui leur était distribué sur le sol chaque jour. Daffy fut séduit par ce qu’il voyait. « Ce serait agréable d’avoir ainsi des grains à sa disposition chaque jour, au lieu de se fatiguer comme nous le faisons. Et si j’allais me dandiner avec eux pendant un moment ».
Après avoir réfléchi, le canard sauvage finit par quitter la formation en V de ses congénères, fit un grand tour vers la gauche, et se dirigea vers la basse-cour. Comme les canards domestiques, il se dandina, couina, et mangea les grains sur le sol. Les canards sauvages continuaient leur course vers le sud ; mais Daffy ne s’en souciait pas, trop content d’avoir ainsi de la nourriture facile. « Je les rejoindrai quand ils repasseront en sens inverse pour aller vers le nord », se dit-il.
Plusieurs mois plus tard, c’est ce qui arriva. Les canards sauvages en formation, en V, passaient au-dessus de la basse-cour pour regagner le nord. Ils étaient toujours aussi beaux à voir. Daffy les vit ; il était d’ailleurs fatigué de la vie en basse-cour. « C’est le moment de partir », se dit-il.
Daffy secoua ses ailes de toutes ses forces pour rejoindre les canards sauvages. Mais il avait pris du poids à force de manger des grains sur le sol ; et il n’avait pas exercé ses ailes depuis des canard__lev_lustres. Ayant avec peine rejoint le groupe en formation, il n’arriva pas à les suivre. Le rythme était trop soutenu. Il abandonna et regagna la basse-cour, en se disant : « Je réessayerai dans quelques mois lorsqu’ils redescendront à nouveau vers le sud ».
Mais quelques mois plus tard, il fut encore moins capable de rejoindre ses congénères lorsqu’ils passèrent au-dessus de la basse-cour. Il n’avait simplement plus la force.
Tous les six mois, il vit alors passer au-dessus de sa tête ses anciens amis, sans se soucier vraiment de les rejoindre. Il ne les remarquait qu’à peine. Après tout, il était devenu un canard domestique.
Cette histoire me renvoie directement au livre des Nombres dans le chapitre des « étapes au désert ». Avant même qu’il ne soit question des cailles (volatiles pas si éloignées des canards…) on voit le peuple Hébreux regretter finalement l’esclavage d'Égypte en s’en prenant à Moïse ainsi :
“Qui nous donnera de la viande à manger ? Ah ! quel souvenir ! le poisson que nous mangions pour rien en Égypte, les concombres, les melons, les laitues, les oignons et l’ail ! Maintenant nous dépérissons, privés de tout ; nos yeux ne voient plus que la manne !”
Je promets que je n’invente rien, c’est la traduction de la Bible de Jérusalem…
Comme quoi, la tentation de la nourriture facile peut aller jusqu’à préférer l’esclavage à la liberté ! Et faire négliger la manne, peut-être moins variée dans sa saveur, mais nourriture qui sauve, et qui vient de Dieu.
Et que le découragement peut transformer la perception des choses et des souvenirs…à méditer