Un nouveau Minamata menace au Venezuela. Le mercure des mines d'or empoisonne le lac de Guri. 25.000 riverains en danger.
Caracas
de notre correspondant Alerte au mercure en Amazonie, cette fois-ci au Venezuela. Sur dix poissons du lac de barrage de Guri (l'un des plus grands du monde, à 700 kilomètres au sud-est de Caracas) quatre sont contaminés. Or, autour de ce barrage, vivent au moins 25 000 personnes, se nourrissant presque exclusivement du produit de leur pêche. Et qui risquent toutes de très graves problèmes de contamination. C'est une commission internationale d'experts de l'environnement conduite par le géochimiste brésilien, Marcello Veiga, composée notamment de spécialistes européens et nord-américains, qui a tiré récemment le signal d'alarme. Pendant plus d'un mois, ce groupe de chercheurs, appelé à la rescousse par le ministère vénézuélien de l'Environnement et des Ressources naturelles, a effectué des analyses sur des centaines de poissons prélevés dans les eaux du barrage, à plusieurs endroits. Leurs conclusions sont alarmantes: 42% des poissons, toutes espèces confondues, présentent des taux élevés de mercure dilué dans la chair. Surtout, ces poissons très contaminés sont à 90% des payara, poissons carnivores au goût succulent, qui pulvérisent l'indice de contamination limite pour la consommation - 2,7 ppm au lieu des 0,5 autorisés! Le mercure, poison à diffusion lente, reste dans l'organisme pendant plus de 150 jours avant d'être éliminé. Hommes et animaux se trouvant au bout de la chaîne alimentaire, qui ingèrent la contamination accumulée tout au long de cette chaîne, sont les plus exposés. «Ce sont les femmes enceintes qui courent les plus graves dangers, insiste Marcello Veiga. Car le mercure se répand jusqu'au foetus qui peut alors naître avec de terribles malformations cérébrales. Et chez l'adulte, les symptômes irréversibles sont la perte de la vue, de l'usage de la parole et l'insensibilité des articulations.» A Minamata, au Japon, le mercure avait ainsi provoqué des terribles ravages.
Selon Marcello Veiga, si tous les barrages du monde génèrent ce genre «d'empoisonnement des eaux (le mercure naturel du sol s'y accumule ndlr), dans le cas de Guri, la grande part de la contamination provient des mines d'or toutes proches, où le mercure est utilisé en abondance par les grandes compagnies aurifères, canadiennes notamment, pour la recherche du métal précieux...».
Problème: le gouvernement vénézuélien, qui a au départ commandité cette étude, estime maintenant que ces résultats sont gênants. «La Finlande, la Suède, le Brésil, le Canada ont connu le même type de contamination, rappelle ainsi Maria Rincones, directrice de la qualité de l'environnement de Caracas, et le seul contre-feu adopté par ces pays a été de limiter la consommation de poisson dans les zones sinistrées, à une fois par semaine, au plus. C'est ce que nous invitons la population de Guri à faire.» Des brochures viennent d'être éditées pour distribution aux riverains .
PEREIRA CLAUDE
Source : http://www.liberation.fr/sciences/0101155302-un-nouveau-minamata-menace-au-venezuela-le-mercure-des-mines-d-or-empoisonne-le-lac-de-guri-25-000-riverains-en-danger