Droit des peuples - Le combat sans fin des Indiens du BrésilLes Munduruku s’apprêtant à prendre l'avion pour Brasilia
mardi. © REUTERS/Lunae Parracho
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Alors que le barrage controversé de Belo Monte est
en pleine construction, les Indiens du Brésil ont été évacués par la force des
terrains agricoles appartenant à des propriétaires terriens -un Indigène ayant
même été tué par la police. Pendant ce temps, près de 150 membres de l'ethnie
Munduruku sont actuellement reçus par le gouvernement brésilien. Une réunion qui
ne suscite malheureusement que peu d'espoirs.
Depuis des décennies, les Indigènes se battent
pour préserver leurs terres dans la forêt amazonienne. Mais ils ne trouvent que
peu d’écho auprès des autorités. De fait, ces dernières semaines -comme de
manière récurrente-, la tension est montée entre les Indiens du Brésil et
Brasilia. En signe de protestation, plusieurs peuples se sont mis à occuper des
fazenda (propriété agricole) contrôlées depuis des décennies par les descendants
de colons, mais que les Indigènes revendiquent comme faisant partie de leur
territoire ancestral. L’un des premiers terrains occupés le fut à partir du 15
mai à Sidrolândia, dans l'Etat amazonien du Mato Grosso do Sul, par l’éthnie
Terena. Bien qu’il s’agissait d’une «manifestation pacifique», comme l’a raconté
à ParisMatch.com Sophie Baillon, de l’organisation Survival France, la situation
a dégénéré le 30 mai. Ce jour-là, la police a procédé à leur expulsion et ouvert
le feu sur les manifestants, tuant l’un d’entre eux et en blessant plusieurs
autres. Selon un article paru sur le site G1.globo.com et relayé par le site
Raoni.com,
l’homme s’appelait Oziel Gabriel et était âgé de 36 ans. Quelque 17 membres de
cette tribu ont par ailleurs été arrêtés lors de cette évacuation. Le
superintendant de la Police Fédérale du Mato Grosso do Sul, Edgar Paulo Marcon,
a de son côté affirmé à G1 que l’effectif avait été reçu de manière hostile et
avait réagi après avoir subi des représailles.
Survival et d’autres organisations de défense des
droits des peuples indigènes dénoncent cette «violence policière» gratuite, et
l’hermétisme des autorités aux revendications des Indiens. «Des centaines, voire
des milliers de sympathisants ont écrit au gouvernement brésilien pour lui
demander de reconnaître leurs droits, garantis par la Constitution brésilienne
et la législation internationale, notamment la
Convention 169 relative aux droits des peuples indigènes
et tribaux dans les pays indépendants, qui
instaure entre autres le droit des peuples indigènes à être consultés sur tout
projet qui les affecte», explique Sophie Baillon. Un droit pas respecté, comme
en démontre le projet de loi récent visant à ouvrir le processus de démarcation
des terres à d'autres institutions que la Fondation nationale de l’Indien
(Funai, qui dépend du ministère de la Justice), dont le ministère de
l'Agriculture et le Parlement. Jusqu’à présent, les questions liées aux peuples
indigènes étaient traitées exclusivement par cette agence gouvernementale, qui
présentait l’avantage d’être l’interlocuteur unique des défenseurs de ces
personnes. Mais les politiciens locaux tentent de s’octroyer de plus en plus de
pouvoir du fait, notamment du puissant lobby minier et agricole. Une situation
«préoccupante», selon Sophie Baillon.
L’inextricable question du barrage de Belo
MonteParmi les revendications majeures des Indiens du
Brésil: cesser d’être ignorés à propos de la construction du barrage
hydroélectrique de Belo Monte, qui a débuté en janvier dernier malgré des années
d’opposition des ethnies concernées. Ce barrage, qui se situera sur le fleuve
Xingu, dans l'Etat du Para, a pour but d’alimenter la demande croissante du
Brésil pour l'électricité, mais conduirait à l’évacuation de près de 25 000
Indiens selon Survival. Il intervient, comme d’autres «méga-barrages», dans le
cadre du Programme de croissance accélérée visant à stimuler la croissance
économique du pays. Dans cette logique de production tous azimut, au dépend de
la déforestation et des peuples qui en pâtissent, et à cause de la «peur du
black-out», poursuit le militante associative, la présidente brésilienne Dilma
Roussef n’est pas ouverte aux négociations –en deux ans de mandat, elle ne les a
pas reçus une seule fois. «Le gouvernement nous a abandonnés», déplore le chef
indien Deoclides de Paula. «Dilma ne soutient pas les peuples autochtones.»
La dirigeante est allée jusqu’à annoncer mardi
l'envoi de troupes fédérales, officiellement pour éviter que de nouvelles
violences éclatent dans le cadre de l’occupation des fazenda. Dans le même
temps, après avoir occupé pendant neuf jours le site de Belo Monte, pas moins de
144 Indiens Munduruku, dont beaucoup prenaient l’avion pour la première fois,
ont embarqué mardi à bord d'un appareil de l'armée de l'air brésilienne pour se
rendre à Brasilia afin de s’entretenir avec le gouvernement. Ils y sont donc
actuellement, et devraient rencontrer le ministre de la Justice. Néanmoins, le
porte-parole du grand chef, Jairo Saw, a insisté sur le fait qu’ils n’y allaient
«pas pour négocier avec le gouvernement» mais pour «dire non» aux barrages sur
leurs terres. Les Munduruku protestent notamment contre la construction d’un
barrage sur la rivière Tapajós. En novembre dernier, un des leurs avait été tué
d’une balle dans la tête par la police qui avait envahi sa communauté.
raoni.com