WikiLeaks épingle l'industrie de l'espionnage de masse
Le site Internet de Julian Assange publie 287 documents mettant en cause 170 sociétés de surveillance électronique qui travaillent avec des dictatures.
De notre correspondant à Londres
Quatre jours avant d'être fixé par la justice sur sa possibilité d'appel devant la cour suprême britannique ou de devoir faire face à une extradition vers la Suède, Julian Assange frappe un nouveau coup. Le héraut de la liberté d'information a dévoilé jeudi à Londres un dossier de révélations sur son site WikiLeaks consacré à la surveillance électronique des citoyens.
«La surveillance de masse est devenue depuis dix ans une industrie internationale qui vend ses services aux dictateurs pour espionner des populations entières», a dénoncé Assange lors d'une conférence de presse. «Qui ici a un iPhone, un BlackBerry ou utilise Gmail?», a-t-il interpellé, avant d'annoncer à une forêt de mains levées dans un auditorium de la City University de Londres: «Eh bien vous êtes coincés.» Gmail, la plateforme d'e-mails de Google, serait perméable à la surveillance de tous les logiciels existant sur le marché.
Le dossier Spyfiles de WikiLeaks mis en ligne ce jeudi révèle 287 documents émanant de plus de 160 entreprises spécialisées dans la surveillance électronique, au profit de 25 États. Écoute de conversations téléphonique, localisation d'un téléphone via le GPS, interception d'e-mails mais aussi envoi de faux SMS, modification du texte de SMS envoyés, photos de vous ou de l'endroit ou vous vous trouvez prises à votre insu avec votre propre smartphone sont des jeux d'enfants pour ces logiciels. «Les téléphones que nous utilisons sont intrinsèquement conçus pour accueillir les technologies de localisation et de surveillance», souligne Jacob Applebaum, expert en sécurité à l'Université de Washington.
Big Brother
Ces prouesses technologiques ne sont pas nouvelles. Elles prospèrent depuis le 11 septembre 2001 et le renforcement de la menace terroriste internationale. WikiLeaks enfonce le clou en montrant du doigt des sociétés qui vendent ces outils à des régimes autoritaires pour traquer leurs opposants. Comme la française Amesys, une PME basée à Paris et Aix-en-Provence, filiale depuis 2010 du groupe Bull. Amesys a vendu des systèmes de surveillance comme le logiciel Eagle Glint, interdit en France ou au Royaume-Uni, à la Libye de Kadhafi, lui permettant d'espionner les e-mails, les recherches sur Google ou les «chats» sur Internet de ses opposants dans le pays et à l'étranger, notamment au Royaume-Uni. Des membres fondateurs du Conseil national de transition libyen auraient été victimes de ce piratage.
La société allemande Elaman évoque dans sa documentation commerciale la possibilité «d'identifier les opposants politiques». La britannique Creativity Software aurait vendu ses systèmes de localisation à l'Iran, jusqu'à cette année. De tels outils ont également été achetés par la Syrie d'el-Assad ou le régime tunisien de Ben Ali.
«Des gens sont tués tous les jours à cause de ces renseignements», estime Jacob Applebaum. WikiLeaks dénonce la prolifération de ce commerce digne de Big Brother en l'absence d'une stricte régulation internationale et au niveau des États.
Source : http://www.lefigaro.fr/hightech/2011/12/01/01007-20111201ARTFIG00673-wikileaks-epingle-l-industrie-de-l-espionnage-de-masse.php