Espèce protégée, le vautour fauve passe du rang de charognard à celui de prédateur. Les attaques nombreuses, ajoutées à celles de l'ours, exaspèrent les éleveurs.
Mais que se passe-t-il dans le monde des vautours ? Comment expliquer que ces rapaces à la réputation de charognards se rangent de plus en plus du côté des prédateurs ? Ces derniers jours, les éleveurs ont vu s'accumuler les mauvaises nouvelles. Plusieurs attaques de bétail ont été recensées dans la chaîne pyrénéenne au grand dam des propriétaires de troupeaux surpris de ne trouver, selon eux, que peu de soutien du côté de la préfecture.
Depuis quelques années, les vautours multiplient les agressions, et les critiques des éleveurs sont d'autant plus vives que les directives de Bruxelles encadrant l'installation de charniers pour les rapaces font l'objet de dérogations, s'appliquant différemment d'une région à l'autre.
Ainsi, dans la Drôme, l'Aveyron et les Cévennes, ont été installées des « placettes » de nourrissage où sont autorisés les dépôts des cadavres d'animaux pour rassasier les bêtes. Avec ces dérogations, on maintient à bon effectif une population à peine réintroduite. Dans les Pyrénées-Atlantiques où on dénombre 500 couples, La Direction des services vétérinaires applique à la lettre la directive de Bruxelles qui visait à l'époque à lutter contre l'ESB.
Sans doute l'absence de ces aires explique-t-elle les modifications de comportement des bêtes affamées. Dans les Hautes-Pyrénées, l'administration ne s'est pas positionnée, là où les éleveurs sont partout favorables à la multiplication de ces placettes. Côté espagnol, face à l'émotion suscitée par ces attaques, l'Aragon et la Navarre ont créé 90 charniers dont la gestion a été confiée à des sociétés privées. Mais sans doute ces placettes sont-elles en nombre insuffisant puisque ces attaques n'ont pas cessé.
Le Ministère de l'Écologie pourrait changer son fusil d'épaule à l'automne, en envisageant un système d'indemnisation des victimes, comme pour l'ours.
Le 16 mai, dans le Comminges, un poulain a été dévoré par soixante vautours. Une scène que Patrick Fachin, éleveur, garde encore en mémoire. Voici dix jours, à Hautacam (65), à Vier-Bordes, un randonneur filme la scène de deux vautours achevant des brebis, comme la preuve irréfutable qu'ils peuvent s'en prendre aux moutons, aux porcs noirs et aux veaux.
Mais les responsables du Parc Pyrénéen sont formels. « Les vautours sont d'abord des charognards qui n'ont aucune stratégie de chasse. Leur cohabitation avec les troupeaux a toujours existé, mais il est vrai qu'ils attendent moins qu'avant pour intervenir sur les animaux en difficulté, qu'ils soient blessés ou prêts à mettre bas », reconnaît Éric Sourp du Parc des Pyrénées.
J.-M. D.
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Comminges : « mon père n'avait jamais vu ça… »
La série noire des attaques de vautours contre des jeunes animaux semble prendre de l'ampleur. Dernière en date, celle survenue samedi à Raoux, commune d'Aspet, sur les terres de Frédéric Ruau, éleveur à Girosp. Dans un pré, au lieu-dit Clarines, une de ses vaches venait à peine de mettre bas lorsque des vautours se sont abattus sur le nouveau-né, ne lui laissant aucune chance. « J'étais monté au pré la veille et j'avais bien vu que la vache était prête à vêler » précise le jeune éleveur. « Mais ce qui m'a surpris, c'est le groupe de vautours qui était déjà là, autour de la mangeoire. Comme s'ils attendaient. » Soucieux, Frédéric s'arrête chez son père, Auguste, qui habite le hameau, et lui conseille de monter de bonne heure le lendemain. Mais dès 7 heures, le samedi, rien à faire. Quinze vautours s'acharnaient sur la dépouille. « C'est la deuxième fois. Il y a quinze jours, c'est arrivé sur l'autre versant, les mêmes charognards. Mon père n'avait jamais vu ça, il les avait à 15 mètres, c'était la bagarre générale », s'insurge Frédéric. « On ne peut pas toucher ces bêtes protégées. J'ai rempli un dossier pour la sous-préfecture, j'ai déclaré la perte de mon veau, les gardes-chasse doivent me remettre un papier confirmant la mort de l'animal et les circonstances, que puis-je faire d'autre ! », clame-t-il. Frédéric craint désormais pour sa centaine de vaches.
J.-A. L.
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source:
la dépeche