Mâyâ (Sanskrit माया), a plusieurs sens dans les religions indiennes. Mâyâ est la déité principale qui crée, perpétue et régit l'illusion de la dualité dans l'univers phénoménal. Pour les mystiques indiens, cette manifestation est réelle, mais c'est une réalité insaisissable. Ce serait une erreur, mais une erreur naturelle, de la considérer comme une vérité ou une réalité fondamentale. Chaque personne, chaque objet physique, du point de vue de l'éternité, n'est qu'une goutte d'eau d'un océan sans limites. Le but de l'éveil spirituel est de le comprendre, plus précisément de faire l'expérience de la fausse dichotomie entre soi et l'univers.
Dans l'hindouisme Mâyâ a les sens suivants dans l'hindouisme : "1) faculté de mesurer, géométrie ; 2) sagesse éternelle, éternel pouvoir du Brahman (chez Shri Aurobindo) ; 3) puissance cosmique grâce à laquelle l'univers se manifeste et s'organise ; 4) Illusion cosmique qui conduit l'homme à prendre le phénomène pour le noumène ; 5) puissance d'illusion du Seigneur ; 6) Prakriti inférieure (selon shrî Aurobindo) ; la Nature (selon Râmana Maharshi) ; le monde (selon shrî Râmakrishna) ; 7) pouvoir mystérieux par lequel un Dieu manifeste sa souveraineté ;
la Mère divine (selon shrî Aurobindo) ; 9) puissance d'illusion (selon swâmî Ramdas) ; 10) apparence ; 11) magie".[1]
Plus positivement que l'usage ne nous le laisse supposer, Mâyâ signifie magie, donc tout autant tromperie que créativité. Dérivés :
* Mâyâvâda : école de la Mâyâ identique à l'école de l'Advaïta-Védânta de Shankara.
* Mâyâvâdin : partisan de cette école.
Dans la philosophie spéculative védique, la Mâyâ est l'illusion d'un monde physique que notre conscience considère comme la réalité. De nombreuses philosophies ou recherches spirituelles cherchent à « percer le voile » afin d'apercevoir la vérité transcendante, d'où s'écoule l'illusion d'une réalité physique. Voyez aussi l'Advaïta-Védânta (2.3)
Dans l'hindouisme, on pense que la mâyâ est l'un des trois liens qui doivent être dénoués afin de réaliser la moksha (libération du cycle des réincarnations ou saṃsāra), les deux autres étant l'ahamkara, l'ego ou conscience de soi, et le karma, la « loi des actes ». Le concept de mâyâ est central dans le Védânta où il désigne l'illusion cosmique, le pouvoir de création qui engendre le monde manifesté sous la forme d'un voile d'ignorance qui se surimpose à l'Absolu, Brahman.
Toutefois si la mâyâ désigne le plus souvent une illusion cosmique, certaines écoles l'interprètent différemment, d'une façon réaliste. Pour le Shivaïsme du Cachemire, maya est parfaitement réelle, elle est la manifestation d'un pouvoir divin, une force de connaissance et non un voile d'ignorance. Shri Aurobindo a fait remarquer que dans les anciennes upanishads, maya n'est nullement illusoire. Pour lui, l'ancien védanta est réaliste. Il considère l'illusionnisme comme une évolution tardive. Pour le védanta réaliste, mâyâ est la force qui suscite la multiplicité. Mais la multiplicité est parfaitement réelle. C'est l'opposition entre la multiplicité des objets sensibles et la simplicité supposée du Brahman qui a sans doute conduit certains penseurs à accuser d'illusion le monde perçu.
Dans le bouddhismeLe concept de mâyâ devient négatif dans le bouddhisme mahâyâna, qui désigne mâyâ comme l'absence de nature propre des phénomènes, la vacuité :
Les ignorants ne comprennent pas que toutes choses sont de la nature de mâyâ, comme le reflet de la lune dans l'eau, qu'il n'existe pas de substance du soi qu'on puisse imaginer comme une âme dotée d'une existence propre. (Sūtra Lankavatara)
De la même façon, dans le Dzogchen, la réalité perçue est considérée comme irréelle :
Le vrai ciel sait que samsara et nirvana sont le déploiement d'une pure illusion. (Mipham Jamyang Gyatso[2], Quintessential Instructions of Mind, p. 117)
Le bouddhisme originel évite les affirmations tranchées sur la réalité, à part les trois caractéristiques. Ainsi le concept de mâyâ n'apparaît pas dans l'école Théravada. Pour elle, le monde phénoménal n'est que le produit de facteurs transitoires et interdépendants :
Le monde existe en raison des actions causales. Toutes choses sont produites par les actions causales, tous les êtres sont régis et conditionnés par les actions causales, tout comme la roue du chariot en mouvement, fixée à l'essieu par la cheville. (Sutta-Nipata, 654)
Ne pas confondre avec Mâyâ, qui est le nom de la mère du Bouddha historique.
Dans le sikhisme Dans le sikhisme, la mâyâ - le monde tel qu'on le perçoit normalement - n'est pas plus tangible qu'un rêve. Comme l'affirme le Gurû Granth Sâhib, le livre saint du sikhisme le monde est comme un rêve, et il n'y a rien en lui qui est à vous. La mâyâ est une tentative de réponse à certaines questions existentielles telles que : lorsque nous nous réveillons le matin d'un rêve si prégnant qu'il nous paraissait réel, quelle certitude avons-nous de n'être pas entré dans un autre rêve ? Comment peut-on envisager que ce que nous appelons « moi » corresponde seulement à l'existence provisoire d'une vie enjambant trois-quarts d'un siècle ?
Autres philosophies On trouve des réflexions comparables (sans en nier les différences) dans la philosophie chinoise (Cf. Tao, Zhuang Zi) et dans la philosophie occidentale. On citera l'allégorie de la caverne de Platon. De même, les gnostiques de l'Antiquité concevaient un Univers illusoire et négatif, créé par un démiurge démoniaque, duquel il fallait s'extraire. Puis Descartes (cf. Méditations Métaphysiques) trouve une solution à l'aporie à laquelle le menait le doute concernant la réalité de ce que ses sens lui montrent du monde par le célèbre cogito. Enfin, Arthur Schopenhauer, alors que les textes indiens commençaient à être connus en Occident, reprend le terme de "voile de Mâyâ" pour décrire sa conception du monde comme volonté et représentation.
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