Paris, France — L'émission présentée par Daniel Lecomte sur Arte s'est attaquée le 10 juin au thème majeur du climat. Deux reportages et un débat pour nous expliquer qu'en fait de réchauffement climatique, on ne sait rien. Ou plutôt que les producteurs et journalistes qui ont construit cette soirée spéciale ne savent rien. Le réchauffement est certes avéré nous dit-on, mais c'est un phénomène essentiellement naturel, et la responsabilité des activités humaines dans les changements climatiques, et notamment la surconsommation des énergies fossiles, est tout sauf prouvée. On nous répète à l'envi que les changements climatiques et les bouleversements à venir ne sont qu'un concept, résultat d'un délire d'écologistes catastrophistes, obscurantistes et sectaires. Les reportages sont pourtant travaillés, les journalistes ont voyagé et enquêté. Jusqu'en Allemagne pour trouver un "historien du climat" qui prouve, images à l'appui, qu'avant les inondations de l'été dernier, d'autres inondations avaient déjà eu lieu dans sa bonne ville natale. Jusque dans le massif du Mont-Blanc où un "expert" des glaciers nous raconte que, pour son glacier préféré, tout va bien, qu'il fond mais qu'il continue de neiger. CQFD : sans aucun chiffre ni recul vis-à-vis des "experts" interrogés, les reportages nous montrent à partir d'exemples concrets et vécus (!), que le réchauffement de la planète et ses impacts attendus (fonte des glaciers, accidents météorologiques extrêmes, hausse du niveau de la mer...) relèvent d'une manipulation orchestrée par des écologistes extrémistes et aux intérêts bien compris, et en particulier de Greenpeace. Capables de retrouver ces quelques scientifiques oubliés de la science, comment les reporters ont-ils pu passer à côté du Groupe inter-gouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) qui regroupe plus de 2500 scientifiques reconnus internationalement , spécialistes du climat et de la météorologie, et qui ont produit, sous l'égide des Nations-Unies (repère bien connu d'écologistes radicaux !), les travaux les plus pointus sur les changements climatiques.
Et que dit la communauté scientifique internationale ?
Le troisième rapport du GIEC, publié en 2001, affirme que de nouvelles preuves majeures indiquent que la plus grande partie du réchauffement observé ces 50 dernières années est attribuable aux activités humaines.
- Comparé à la publication du Deuxième Rapport d'évaluation datant de 1995, il apparaît aujourd'hui beaucoup plus clairement que l'ajout de gaz à effet de serre dans l'atmosphère par les activités humaines - dont la majeure partie provient de l'utilisation des combustibles fossiles - modifie le climat planétaire.
- La tendance observée au cours du XXème siècle sur l'augmentation des températures, l'élévation du niveau des mers et l'accroissement des précipitations, se prolongera et s'intensifiera au cours du XXIème siècle.
- L'augmentation des températures prévue pour ce siècle a été réévaluée pour passer d'une fourchette de 1 à 3,5 degrés Celsius dans le Deuxième Rapport d'évaluation, à une fourchette de 1,5 à 6 degrés Celsius dans le Troisième Rapport.
- La fourchette prévue pour l'élévation du niveau des mers, pour la même période, est aujourd'hui de 14 à 80 cm, avec une estimation moyenne d'environ un demi-mètre.
- Il est probable que l'on assiste à une recrudescence des accidents météorologiques extrêmes, notamment des vagues de chaleur voire de sécheresse, de fortes précipitations entraînant des inondations et des crues dévastatrices, et une élévation des températures accompagnée de la réduction du nombre de jours froids.
- Les glaciers et les banquises vont continuer de fondre, et on assistera à un recul régulier des neiges et des glaces dans l'hémisphère Nord.
De même le gouvernement français, qu'on ne peut pas non plus qualifier d'écologiste radical, souligne dans sa stratégie de développement durable datée du 3 juin 2003 : "Un changement climatique majeur menace notre planète. [...] La cause anthropique apparaît de plus en plus évidente : à travers nos émissions de gaz à effet de serre, gaz carbonique et méthane en premier lieu. [...] L'enjeu est celui du choix entre l'évolution ou la désintégration de notre écosystème planétaire. La lutte contre le réchauffement climatique est donc au coeur de la stratégie nationale de développement durable. [...] Notre responsabilité est majeure, le fatalisme peut et doit être écarté."
Greenpeace ne prétend pas que la climatologie est une science exacte et que chaque catastrophe météorologique est liée aux émissions de gaz à effet de serre. Greenpeace prend acte du consensus de la communauté scientifique mondiale (il y a évidemment toujours des exceptions !) sur le lien entre changements climatiques, effet de serre, activités humaines et énergies fossiles et les dangers potentiellement catastrophiques du réchauffement pour l'humanité et la planète. Notre organisation poursuit donc sa mission en interpellant opinion publique et décideurs politiques et privés pour qu'ils adoptent des politiques de précaution en rupture avec les politiques actuelles.
Comme notre travail d'organisation de protection de l'environnement, le travail de journaliste nécessite rigueur et objectivité. Et de ce point de vue, les reportages présentés hier relèvent davantage de la fiction que du journalisme en cherchant, à travers ces quelques scientifiques, à démonter un par un les arguments de l'immense majorité d'entre eux.
Qu'une émission d'une chaîne de qualité cherche à questionner les évidences admises est une chose. Qu'elle vise, après José Bové et le combat contre les OGM il y a quelques mois, à discréditer Greenpeace et cette communauté en est une autre. Il faut apporter des preuves, vérifier qui attaque Greenpeace et pourquoi, éviter les manipulations d'images et d'interviews. Nous comprenons mal l'objectif des producteurs et animateurs de la soirée d'Arte : prendre le contre-pied de la réalité, nier les vérités scientifiques, tronquer volontairement le débat, semer le trouble dans l'opinion publique, discréditer par des ragots imbéciles les acteurs qui défendent l'intérêt général.
Un dernier exemple qui en dit long : Bjorn Lomborg présenté comme un économiste surdoué, militant et activiste de Greenpeace pendant des années (des images d'une action de confrontation non violente de Greenpeace non datée le prouveraient !) qui rompt avec Greenpeace car il "préfère désormais les faits". La réalité est tout autre et nous en avions informé les producteurs de la société "Doc en stock" en charge de cette émission. Lomborg n'est ni économiste, ni climatologue, biologiste ou physicien. Il est statisticien et enseigne comme "professeur associé" à l'université d'Aarhus, au Danemark. Il se prétend écologiste mais il est le seul à le penser au Danemark.
Activiste de Greenpeace ? Nous n'avons pas de trace de lui dans nos fichiers et lui-même a sérieusement réduit ses prétentions à cet égard et se défend aujourd'hui en disant qu'il a, une fois, envoyé un don à notre organisation.
Plus sérieusement Lomborg, comme les producteurs et journalistes de la soirée spéciale climat d'Arte, sont des polémistes dont l'objectif est de discréditer l'écologie et ceux qui la défendent. On ne peut malheureusement pas être polémiste et scientifique sérieux : début janvier de cette année, un comité de la très officielle Agence de la Recherche danoise (l'équivalent de l'Académie des sciences) a qualifié Bjorn Lomborg et son ouvrage "The Skeptical Environmentalist" coupable de malhonnêteté scientifique.
A noter que le producteur de cette émission nous a longuement sollicité pour préparer son émission. Nous avons collaboré de manière très ouverte (contrairement à ExxonMobil qui une fois de plus refusait le débat), apportant nos images gratuitement et proposant divers contacts pour enrichir les reportages. Le producteur nous a même demandé de nous rendre disponible pour l'enregistrement du plateau. C'est à la dernière minute que nous avons appris, par une des personnes invitées sur le plateau, que nous ne faisions plus partie des invités... Le producteur craignait-il à ce point la confrontation directe avec un représentant de notre organisation ? Ou bien avait-il honte de la manipulation dans laquelle il s'engageait ? ARTE qui nous avait habitué à plus de sérieux dans la préparation de ces émissions est ici tombé bien bas.
Regrettable ! Mais nous sommes certains que les téléspectateurs n'auront pas été dupes.
A la question d'un journaliste : "Que pensez-vous des critiques de la théorie du changement climatique ?",
le président du GIEC répondait en février dernier à Paris :
"Il y a environ trois cents ans, une Société de la terre plate a été fondée par ceux qui ne croyaient pas à la rotondité de la planète. Cette société existe toujours, elle doit compter une dizaine de membres."
source site "greenpeace"