Journée du 21 février 2009 "Choisir la Decroissance"
Bon d'accord cela date un peu mais c'est toujours plus que jamais d'actualité le monde n'ayant (hélas) point beaucoup changé depuis l'année dernière...
1ère conférence (la conférence en audio ici depuis le 26/02 : http://www.passerellesud.org/spip.php?article1305 : "Le développement durable : un mythe programmé" de Marie-Dominique Perrot, professeur émérite à l'Institut Universitaire du développement de Genève (j'ai admiré sa façon de parler et son humour piquant, ironique mais au combien réaliste et juste dans tout ce qu'elle a dit).
Donc comme l'indique déjà le titre, sa conférence est une critique fondamentale, bien justifiée, au développement durable dans sa réalité actuelle.
Comme elle le dit, le développement durable à été et est présenté et emballé d'une telle façon, qu'il est difficilement réfutable par le commun des mortels. C'est une imposture dès le départ car il se fonde sur la croissance, il ne peut donc qu'être mauvais par essence. Présenté ainsi, on l'inclut comme une croyance, car la valeur qui est mise en avant l'est uniquement dans le but de cacher le véritable programme. Il y a un maquillage du développement durable. Tant qu'il apporte de bons résultats, tout est ok; et dès qu'il y a des échecs, on redouble d'efforts pour le soutenir d'autant plus (c'est pas ce qu'ils font aussi avec leurs plans de relance à 800 milliards ?!?! ). Les mesures qui sont prises alimentent ce discours (recyclage, triage... etc).
Le développement durable n'est, en fait, juste la condition de survie de l'économie de marché.
Ce qu'il faut, c'est quitter ce règne du linéaire : le progrès.
Il faut arriver à l'échange symbolique comme antidote, à un autre système de relation.
Arriver à une réciprocité généralisée, à se dégager de l'emprise de la marchandise.
On verrait ici, l'image de la ramification : donneur, receveur, dons, contre-dons etc... et on échange les rôles aussi donc cela mène à une vision plus collective, à une vision sociale complètement différente.
Pour sortir nos vies de l'économie. Consommer moins, tester du temps gagné... Ce n'est nullement se priver, mais au contraire se libérer de quelque chose. Il faut donc répéter les gestes "nocifs" pour le système, c'est cela à faire croître, pour faire croître une masse critique capable de peser socialement.
REDONNER DU PRIX A CE QUI N'EN A PAS.
2ème conférence sous forme de table ronde (nous avons par la même occasion changé d'auditoire lol, bien plus grand !) : "L'Objection de croissance en pratiques" avec des acteurs de terrain : Groupes de simplicité volontaire : Ezio Gandin ( www.amisdelaterre.be ) - Cinéma NOVA : Gwenaël Breës ( www.nova-cinema.org ) - Ferme Bio : Rudolf Koechli ( www.fermearcenciel.be ) - Energie : Jean François Mitch ( www.emissions-zero.com ) - G.A.S. (groupement d'achat solidaire) Jette : Isabelle Paternotte ( www.gas-bxl.collectifs.net ) - S.E.L. (système d'échange local) : Hugues Croibien - Marché d'Ansart : André Wenkin ( www.marchefermier.be ).
Toutes ces personnes ont brièvement présenté leurs actions sur le terrain, pour nous faire découvrir les alternatives actuelles et possibles pour déjà sortir un peu du système. Ce tour d'horizon fut particulièrement enrichissant car il y a des tas de choses qui existent et dont nous ne sommes que très rarement au courant malheureusement.
Il y a les G.A.S. par exemple, c'est les groupements d'achats solidaires. Isabelle Paternotte fait parti du GAS de Jette (commune de Bruxelles). Ce dernier regroupe une trentaine de familles. Le but du GAS est d'avoir un contact direct avec le producteur. Dans ce cas-ci, c'est un producteur de légumes Bio. Ils préparent des "paniers types" dans une salle communale pour toutes les familles. Chaque famille reçoit son panier tous les quinze jours avec tous les légumes bio frais, savoureux et de saison, livrés par le producteur pour être entreposés dans des cageots dans la salle communale. Ce GAS de Jette est tout récent (octobre 2008) et ils ne cessent d'avoir de nouvelles demandes ! Leur souhait est d'avoir une salle plus grande pour préparer les paniers car ils n'ont pas la possibilité d'accepter de nouvelles familles, ils aimeraient également élargir le panel de produits, les fruits par exemple et ainsi de suite... Le succès est grand et grâce à cette forme d'achat, on peut judicieusement éviter d'aller faire quelques courses dans les grandes enseignes, ce qui permettra de faire revivre les petits producteurs et agriculteurs qui sont en voie d'extinction, écrasés par les multinationales ! On mange des produits sains, pas chers, c'est que du bonus à l'état pur ! Je ne connaissais pas et j'en suis complètement enchantée. C'est si évident et ça existe, alors que demander de plus pour sortir de nos magasins infestés de produits fades, pleins de pesticides, hors saison, de pays lointains envoyés par avion etc...! On doit revenir à l'essentiel et boycotter les grandes enseignes le plus possible. Le GAS est déjà une solution à notre portée !
Il y a l'agriculteur (producteur) qui a sa ferme familiale "Arc-en-ciel" à Wellin, Rudolf Koechli. C'est un homme âgé, extraordinaire et plein d'humour. Il m'a beaucoup émue lui et son beau-fils. Ils produisent des produits bio et locaux, c'est de la permaculture (le terme permaculture désigne un ensemble de pratiques et de mode de pensée visant à créer une production agricole soutenable, très économe en énergie (travail manuel et mécanique, carburant...) et respectueux des êtres vivants et de leurs relations réciproques. Elle vise à créer un écosystème productif en nourriture ainsi qu'en d'autres ressources utiles, tout en laissant à la nature "sauvage" le plus de place possible). C'est une petite ferme qui travaille en autosuffisance, qui maîtrise donc sa production et sa commercialisation en travaillant en relation avec des GAS. Donc la boucle est bouclée, aucune relation avec les grandes enseignes ! Il sont trop rares seulement, comme il dit il y a de moins en moins de petits producteurs, d'agriculteurs, parce que les conditions de travail deviennent très difficiles et à cause des multinationales qui les font creuver. Il faut donc faire revivre ces producteurs si on veut retrouver des produits sains et issus d'une agriculture respectueuse pour la nature et notre santé.
Il y a aussi des projets en matière d'énergie, donc pour produire localement son énergie. Voir le site cité plus haut : www.emissions-zero.com
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Il y a aussi le cinéma indépendant NOVA, qui diffuse dans son unique salle, des films d'auteurs (donc pas les grands films qu'on trouve dans les grands complexes), militants, où il n'y a aucune pub ni à l'extérieur, ni à l'intérieur du cinéma.
Il y a aussi le S.E.L. (système d'échange local) où les personnes ne vendent rien, ni n'achètent mais c'est du service qui se donne et qui se reçoit. Par exemple, j'ai envie d'apprendre à jouer de la guitare, je vais alors voir dans les annonces de mon SEL si quelqu'un propose des cours de guitare et les services se comptabilisent par heure prestée. Si j'ai reçu une heure de cours de guitare, je devrai à mon tour offrir un service d'une heure. On a un carnet où l'on note ses heures prestées et à rendre à notre tour. Voilà en gros le principe. La base ici, c'est le service, l'échange humain qui ne s'achète pas avec des billets, mais par le service que l'on va donner à l'autre. C'est une alternative aux services basés sur l'argent, elle gratuite, conviviale et permet de resserer le lien social pour renouer avec l'humain.
Il y a aussi les groupes de simplicité volontaire (SV). Selon l'endroit où l'on habite, des petits groupes se créent (+- 10 personnes), afin de réunir les personnes qui pratiquent la simplicité volontaire. Il y a des règles dans ces groupes, un respect mutuel, pas de jugement, une diversité des âges, un thème abordé à chaque rencontre, avec un animateur à tour de rôle etc... C'est un peu comme les réunions d'alcooliques anonymes mais juste dans sa forme lol. C'est aussi dans un but d'échange humain, de partage, un peu comme un groupe d'amis finalement, où chacun apprend à se connaître, a sa place et a de l'importance, ça ressert tout autant le lien social et le partage est très enrichissant. Choisir la simplicité volontaire comme mode de vie, est avant tout une démarche personnelle et elle a 3 objectifs (très faciles, justes, humains et respectueux de la nature) : se désencombrer matériellement, ralentir son rythme de vie et privilégier les "liens" plutôt que les "biens".
IL Y A UN BESOIN DE SOLIDARITE DE TOUTE LA CHAINE, TOUT LE MONDE DOIT SE RESPONSABILISER S'IL VEUT UN CHANGEMENT REEL.
3ème conférence : "Vers un changement de paradigme" du célèbre Serge Latouche, Objecteur de croissance, professeur émérite de la faculté de droit, économie et gestion Jean Monnet de l'Université de Paris XI. Il a fait plusieurs ouvrages, dont "Le traité de la Décroissance sereine".
Le slogan c'est : La Décroissance, pour sortir de la religion de la croissance.
Il faut devenir des athées de la croissance. Il faut donc "décroire" pour "décroître". Changer les rapports de productions, de consommations etc...
La Décroissance est une critique radicale de la société de croissance = le capitalisme, l'économie de croissance, et maintenant au stade suprême de l'omnimarchandisation du monde = la mondialisation !
La Décroissance, c'est aussi faire croître tout ce que la société de croissance a détruit par sa démesure.
La Décroissance est donc politiquement à gauche car c'est une critique radicale du libéralisme.
Pour sortir du capitalisme, il faut d'abord sortir de l'esprit du capitalisme. Il faut pour cela arriver à "décoloniser son imaginaire", à sortir de la servitude volontaire du système.
Deux petites citations ironico-humoristiques de Serge Latouche que j'ai noté pour définir la logique de la croissance actuelle :
"Plutôt sauver la banque que la banquise."
"S'intéresser plus à la montée du pouvoir d'achat que de la montée des océans."
La Décroissance renoue aussi avec la critique du travaillisme et prône le droit à la paresse.
Elle n'est en rien, comparable aux partis de gauche, c'est un OVNI politique par rapport aux autres partis comme on les connait et comme je les déteste depuis un bon bout de temps. Pour elle, la gauche a trahi son peuple, car elle s'est vendue pour avoir aussi sa part du gâteau, elle s'est lassé enliser dans ce mythe de la tarte pour avoir un partage des fruits de la croissance. La gauche défend les travailleurs et donc le capital ! Dans les pays du sud cela s'appelle le développement, pour faire croître donc cette tarte, sans mettre en cause le partage. Plus la tarte grandissait, plus elle était empoisonnée (pollutions, déforestations, désertifications, décharges sauvages dans les pays du sud de produits toxiques, inégalités, injustices etc...). Il n'y a pas eu de croissance du bien-être, mais bien une accroissance de la bourgeoisie au détriment de la société.
Les "pousse-au-crime" ont joué un rôle fondamental dans tout ça : le marketing, la publicité, l'obsolescence programmée, le crédit... La publicité engendre la frustration pour faire consommer toujours plus, c'est un cercle-vicieux qui nous crée sans cesse de nouveaux manques à combler, sans limites. C'est une énorme entreprise de manipulation mentale et c'est d'ailleurs le 2ème budget mondial après l'armement (500 milliards de dollars) ! La publicité est partout, dans la rue via les panneaux publicitaires, à la télé, dans les magazines etc... Il y a une vraie pollution de la pub : mentale, visuelle et spirituelle.
L'obsolescence programmée c'est tous ces produits électroniques que l'on achète et qui sont difficilement réparables par exemple les ordinateurs, les machines électroniques de toute sorte etc... que lorsqu'il y aura un problème, on vous conseillera toujours d'acheter un nouveau produit parce que la réparation mettra trop de temps et que ça vous coutera plus cher au final ! Il faut donc privilégier les produits durables, nécessaires et de qualité car la durée de vie de ces derniers est très limitée pour pousser toujours à plus de consommation, donc à plus de gaspillage et à plus de pollution pour la nature et notre santé et celle des générations futures !
Quand la croissance augmente, la pollution augmente parallèlement ! Et plus la pollution augmente, plus les frais augmentent pour soigner les personnes qui développent des maladies, des allergies etc... Les français sont les champions du monde dans la consommation d'antidépresseurs. Par la croissance, le PIB augmente, donc normalement le bien-être, statistiquement en tout cas. Que voit-on ? C'est tout le contraire, le bien-être véritable diminue grandement.
Comme le dit Serge Latouche, il y a eu "les 30 glorieuses" et puis "les 30 piteuses" dues à la croissance perverse.
LA TARTE NE DOIT PLUS GROSSIR !
On dépasse déjà de 30 à 40% la capacité de régénérescence de la biosphère ! Il faut une empreinte écologique soutenable de 1,8 pour respecter la planète. Si tout le monde vivait comme les français, il faudrait 3 planètes ! Et si tout le monde vivait comme les américains, il faudrait 6 planètes !!!
20% de la population mondiale possède 86% des richesses naturelles !
Il faut un autre partage du gâteau mais avant tout, une autre recette !
La Décroissance, c'est un projet politique. Il sera bien-sûr différent selon les régions du monde.
Le but est de construire une société autonome et auto soutenable !
C'est un programme concret et localisé.
Serge Latouche a proposé les 10 R. Réévaluer, Reconceptualiser, Restructurer, Redistribuer, Relocaliser, Réduire, Réutiliser, Recycler et dans le tout un mot d'ordre : Résister. Il faut retrouver une empreinte écologique soutenable qu'on a commencé à dépasser à partir des années 60-70, ce n'est donc aucunement revenir à l'âge de pierre comme certains osent dire ! Il faut consommer mieux et moins !
Selon une étude, on peut jouir du même confort, avec 4 fois moins d'énergie ! (les négawatts, terme qui désigne l'énergie non consommée).
Le 10 ème R, c'est se Réapproprier l'argent car nous sommes actuellement dans une économie virtuelle de la monnaie.
Il faut reconvertir les énergies polluantes et dangereuses fossiles, nucléaire etc... dans la cogénération, les énergies renouvelables... C'est un vaste plan de reconversion.
IL FAUT FAIRE UNE TOUTE AUTRE RELANCE !
Il faut privilégier une agriculture paysanne et non productiviste qui sacrifie le long terme au court terme !
Le slogan de la Décroissance c'est : "Travailler moins, pour travailler tous"! Travailler moins pour vivre mieux ! Pour redécouvrir les dimensions niées de l'existence car nous sommes devenus des toxico-dépendants du travail. Il faut aussi redevenir les citoyens de la cité, comme aux temps des grecs, et cela demande du temps pour connaître et s'informer sur tout ce que les politiques gardent pour eux avec des traités longs et compliqués ! Il y a toute une éducation à refaire, à revoir pour les jeunes générations.
Autre ouvrage de Serge Latouche : "Le pari de la Décroissance".
Pour conclure cette conférence : Nous avons besoin d'une société démocratique plus juste, humaniste car là nous allons droit vers un suicide collectif !
Il faut diminuer logiquement le temps de travail, pour que tout le monde puisse en avoir un !
ll suffirait alors de travailler 2 à 3 heures par jour seulement !!!
Actuellement nous sommes confrontés à une omnimarchandisation du monde car TOUT est transformé en Marchandise et on arrive carrément à une crise anthropologique.
Il faut redonner sens au vivre localement. Il y a aussi des recherches technoscientifiques nouvelles à faire et à faire stopper cette pression énorme des lobbys dans tous les domaines de la société, des politiques etc...
4ème et dernière partie : Panel avec les points de vue de : Riccardo Petrella, économiste, professeur émérite à l'UCL - Michaël Singleton, anthropologue, professeur émérite à l'UCL - Christian Arnsperger, professeur de philosophie de l'économie à l'UCL - Paul Lannoye, député européen honoraire, physicien.
Résumé de tous : Il faut sortir du consumérisme, sortir de d'individualisme. Il faut dire NON au capital d'être propriétaire de la vie ! La finance doit être publique et non privatisée. Il faut une "republicisation" de la finance !
Il faut faire une croissance humaine car la croissance fait mine d'enrichir l'humain mais en réalité l'appauvrit.
L'opulence est un obstacle majeur à la richesse. La misère et l'opulence sont subies.
L'essence de la richesse c'est un luxe, celui de la simplicité volontaire. C'est le choix d'une richesse qui ne va pas avec l'opulence, c'est un lâcher prise après avoir renoncé au vertige de la consommation capitaliste, au prestige du pouvoir capitaliste, au prestige des inégalités !
- Simplicité volontaire
- Démocratisation radicale
- Allocation universelle
Il faut une REVOLUTION, un changement politique radical, faire des méso-communautés existentielles de masses critiques. Il faut repenser à notre rapport à la finitude et au niveau micro-personnel (spiritualité aussi). Il faut un projet communaliste.
Pour ce qui est du développement durable, ce fut une imposture dès le départ, pour relancer une nouvelle ère de croissance économique donc une simple condition de survie de l'économie de marché !
On peut également faire le rapport avec le protocole de Kyoto, qui n'est rien lui non plus, qu'une condition à la survie du capitalisme.
Il y a aussi des problèmes d'eau qui commencent à croître, dans 9 pays d'Europe déjà : ils consomment trop d'eau par rapport au renouvellement de la nappe phréatique.
Le discours actuel est mensonger et dangereux car il empêche le changement ! Le développement durable n'est pas une partie de réponse.
Il faut DECROIRE en la croissance, au développement, au progrès, pour DECROITRE !
Pour converger vers une masse critique, pour un changement de société, pour changer l'humain.
C'est une FORCE COLLECTIVE.
IL FAUT SORTIR DE L'ORNIERE QUI MENE A L'EFFONDREMENT !
Il faut faire émerger cette force collective pour faire émerger l'humain, il faut s'unir !
Il faut une mise en chantier d'un nouveau projet politique des objecteurs de croissance, un projet de société qui convient à tout le monde car il y a actuellement, une dangereuse dépolitisation volontaire de la croissance afin de tenir éloignés les citoyens des décisions politiques !
PS : Toutes les conférences de cette journée seront prochainement disponibles en audio sur le très intéressant site suivant : www.passerellesud.org
Merci à Sandra, une amie netlogienne ( Green4peace sur netlog ) qui nous a fait cet excellent compte-rendu en nous disant de le diffuser